Sommeil et grossesse : quand l’apnée se réveille

La grossesse n’est pas de tout repos. Nombre de petits et grands maux ponctuent ces quelques mois… Parmi ceux-là, le syndrome d’apnées du sommeil.

SAHOS et autres troubles du sommeil sont pourtant encore souvent ignorés par les professionnels de santé, alors qu’ils peuvent avoir de lourdes conséquences sur le bon déroulé de la grossesse, la santé de la femme et du bébé.

SAHOS et grossesse JPRS

Le sommeil pendant la grossesse…

La qualité du sommeil est fréquemment troublée chez la femme enceinte, alors que son importance se révèle d’autant plus essentielle durant cette période éprouvante à bien des niveaux. Il est en effet courant que les femmes enceintes souffrent d’un sommeil fragmenté, avec des symptômes qui apparaissent ou s’accentuent généralement au troisième trimestre.

En cause, les nombreux changement hormonaux, l’augmentation du volume utérin, et du débit cardiaque qui induisent des modifications de la physiologie respiratoire et cardiovasculaire. Les femmes enceintes ont donc un risque plus élevé de développer des apnées du sommeil ou de voir leurs symptômes s’aggraver. 

Il peut toutefois s’avérer difficile de poser un diagnostic de SAHOS chez ces patientes, du fait des changement physiologiques inhérents à la grossesse et qui peuvent provoquer des symptômes similaires. Ainsi, somnolence et ronflements s’observent fréquemment en cours de grossesse. D’autres facteurs directement liés à cet état peuvent entraîner des réveils nocturnes et donc un sommeil fragmenté : crampes, mouvement fœtaux, fréquent besoins d’uriner, douleurs gastriques… Auxquels s’ajoutent d’autres symptômes plus généraux tels que fatigue, maux de tête, stress ou anxiété accentués par l’arrivée prochaine d’un bébé.

Le sommeil est donc largement malmené durant la grossesse. Et même si beaucoup de troubles d’ordre purement physiologique disparaitront naturellement après l’accouchement, il ne faut pas les minimiser, au risque de passer à côté d’un réel syndrome d’apnées.  

Le docteur Fabrice Thoin, cardiologue à la Clinique Bouchard de Marseille, explique plus en détails le phénomène de SAHOS pendant la grossesse et ses problématiques :

« Voilà un sujet complexe, mais passionnant ! Il y a tellement de choses à en dire…

Il faut déjà savoir que la prévalence du SAHOS augmente pendant la grossesse car l’œstrogène favorise l’apparition d’œdèmes oropharyngés. À cela s’ajoute l’effort et la difficulté de respiration, qui augmentent aussi les risques d’apnées. Les somnologues estiment une prévalence de 10% au premier trimestre, qui passe à 28% au dernier trimestre. Et encore, ces chiffres sont probablement sous-estimés car la polysomnographie ne tient pas compte de l’effort.

Il faut également savoir que le SAHOS a grimpé de 24% chez les femmes enceintes entre 1998 et 2009, parallèlement à l’augmentation de l’obésité. Ces deux phénomènes ne sont pourtant pas exclusivement liés : s’il est certain que le surpoids favorise la survenue du SAHOS, il faut garder en tête qu’il y a aussi beaucoup de femmes enceintes qui présentent ce syndrome sans être en surpoids. Elles sont d’autant moins facilement détectables et de ce fait, leur nombre est là encore probablement sous-estimé…

En réalité, ces femmes ont déjà la pathologie sous-jacente, mais elle est souvent  ignorée car les signes sont encore faibles ou indétectables. La grossesse ne fait que la mettre en évidence, ainsi que d’autres anomalies cardio-vasculaires. Ces patientes font par exemple du diabète et de l’hypertension, et cela se reproduira à chacune de leurs grossesses, avec comme possibles conséquences une pré-éclampsie, une hypoxie, un accouchement prématuré, un retard de croissance de l’enfant… On les surveille donc particulièrement !

Et lorsque le SAHOS est avéré, la PPC est la solution la plus adaptée. D’ailleurs, l’observance du traitement est plutôt très bonne chez les femmes enceintes. Elles comprennent bien qu’il en va de la santé de leur bébé…

Généralement, les apnées diminue après la grossesse, mais cela n’empêche pas qu’il faille rester très vigilant et continuer à suivre ces femmes et leurs enfants.

D’une part, ces mères gardent un risque cardio-vasculaire à moyen et long terme. On peut toutefois observer une période de latence jusqu’à la ménopause, où le SAHOS et le risque cardio-vasculaire explosent à nouveau à cause de la diminution du taux d’œstrogènes qui ne permet plus de protéger les muscles pharyngo-dilatateurs.

D’autre part, les enfants de mères ayant présenté ces anomalies pendant la grossesse ont également un risque cardio-vasculaire franchement augmenté à court et moyen terme, c’est-à-dire sur 10 à 40 ans. Et si l’enfant est né prématuré, il a de grandes chances de souffrir lui aussi d’apnées du sommeil : à l’âge de 4 ans, c’est déjà le cas de 77% de ces enfants ! 

On parle vraiment trop peu de ces problématiques et de tous les risques qu’elles engendrent. Je rencontre beaucoup de ces femmes, soit pendant leur grossesse, soit dix ou vingt ans après : il n’est pas rare qu’elles fassent des AVC, des AIT, des accidents vasculaires… Et ce n’est, hélas, pas pris en charge.
Il faut tout de même noter que les NIH, instituts américains de la santé, ont débuté en juillet 2018 une étude sur 2700 parturientes nullipares traitées par PPC. Une autre étude sur le diabète gestationnel va également avoir lieu au Canada.
Il y a donc des recherches qui se lancent, et tant mieux, mais il va falloir alerter rapidement les pouvoirs publics et les obstétriciens, parce que c’est véritablement un problème de santé publique majeur.

Et si cela peut paraître alarmant, souvenons-nous que le plus grand risque cardio-vasculaire reste l’ignorance… »

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